Portrait d’Erin MacGregor Forbes, Présidente de l’EAS aux Etats-Unis
29/06/2016 | Publié par Parole d'apiculteur |
Erin est une apicultrice du Maine (Etats-Unis), également présidente de l’EAS (Eastern Apicultural Society – un groupement d’apiculteurs de l’Est des Etats-Unis). Une passionnée des abeilles qui vous livre sa vision de l’apiculture, de l’autre côté du globe.
Bonjour Erin ! Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Mon activité d’apicultrice, dont je suis diplômée (nb : Erin est diplômée d’un « Master Beekeeper », délivré par l’EAS, assez difficile à obtenir), m’apporte un revenu supplémentaire mais mon travail principal est d’être comptable. Je gère mon exploitation avec mon associée depuis 4 ans, Cindy Bee (et oui, c’est son vrai nom !), qui est apicultrice à plein temps et appartient à une famille d’apiculteurs depuis 3 générations.
Nous avons environ 150 ruches, principalement des Langstroth à 8 ou 10 cadres, mais aussi quelques ruches Warré.
Nous récoltons surtout du miel d’acacia, de tilleul, de fleurs sauvages, et notre production d’automne est principalement du miel de renouée du Japon (japanese knotweed honey), de couleur rouge.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’EAS (Eastern Apicultural Society – Association Apicole de l’Est Américain) et votre rôle au sein de cette association ?
L’EAS, fondée en 1995, est la plus grande organisation apicole à but non lucratif des Etats-Unis, et l’une des plus importante dans le monde. Notre mission principale est de promouvoir la culture apicole, former les apiculteurs au « Master Beekeeper » et faciliter la recherche scientifique sur les abeilles. Chaque été a lieu notre conférence annuelle l’ « EAS Conference » ; elle est axée sur l’éducation, à tous les niveaux, et c’est également lors de cet événement qu’a lieu l’examen du programme de certification « Master Beekeeper ».
[N.B : Le but du programme de certification « Master Beekeeper » est d’identifier et de certifier les apiculteurs ayant une connaissance approfondie de la biologie de l’abeille, une expertise des bonnes pratiques apicoles, et qui puissent présenter ces informations aux publics apicole et non-apicole de manière détaillée, précise, claire et en faisant autorité.]
J’ai été diplomée du « Master Beekeeper » en 2008, date à laquelle j’ai commencé à m’impliquer dans l’association. J’enseigne à l’« EAS conference » depuis plusieurs années maintenant, et quand le poste de Président s’est libéré, on m’a proposé de déposer ma candidature. Etre impliquée au plus haut niveau dans l’organisation est réellement passionnant, travailler avec autant d’apiculteurs enthousiastes est un vrai plaisir.
Mon objectif en tant que Présidente de l’EAS est d’accroître la communication entre les apiculteurs à tous les niveaux et améliorer les pratiques apicoles grâce à des programmes éducatifs de haute qualité. Mes missions consistent à organiser l’ « EAS conference » (pour l’année en cours et celles à venir) ; et surtout à répondre aux besoins des nombreux nouveaux apiculteurs qui décident de se lancer en apiculture, par la formation de « Master Beekeeper » qualifiés pour enseigner l’apiculture dans leur région, à un niveau plus local.
Comment êtes-vous devenue apicultrice ? Avez-vous toujours été passionnée par les abeilles ?
C’est une longue histoire. Au début je n’étais absolument pas passionnée par les abeilles. Et puis mon mari a décidé d’acheter des ruches pour en faire son hobby, et j’ai trouvé que c’était une bonne idée. Je suis rapidement tombée amoureuse de ses abeilles, et ça ne m’a plus quitté.
D’où vient le nom de votre rucher « Overland Honey » ?
Le nom vient d’un cadeau du père d’un ami, une jeep Willy’s Overlander de 1947 (jeep de l’armée), qui nous a été offerte la même semaine que notre première récolte de miel destinée à la vente.
Quelle race d’abeille élevez-vous, et pourquoi ?
Nous sommes axées sur le type russe, hygiénique de Minnesota, Varroa et la Carnica. Nous élevons nos propres reines mais nous ne les inséminons pas, elles s’accouplent librement. Nous achetons aussi des reines, mais seulement provenant d’apiculteurs plus au nord, car nous sommes convaincues qu’elles hivernent mieux.
Est-ce que vos abeilles sont victimes de maladies, et comment y faites-vous face ?
Nous avons beaucoup de Varroas, et nous gérons l’infestation grâce à une stratégie intégrée de lutte : 1) des colonies hygiéniques 2) un contrôle biologique (essaimage artificiel pour casser le cycle du parasite dans le couvain) 3) traitement biologique au thymol à l’automne.
Quel type de produit utilisez-vous pour le nourrissement de vos colonies ?
Nous choisissons de laisser une hausse supplémentaire sur chaque ruche pour passer l’hiver. Nous réalisons un nourrissement artificiel sur les essaims en développement et sur les ruches en cas d’urgence.
Le monde apicole semble très masculin. Est-ce difficile pour une femme de trouver sa place et gagner le respect de ses paires ? Comment décririez-vous votre expérience en tant qu’apicultrice ?
Le monde apicole adore penser que c’est une activité typiquement masculine, mais les premiers apiculteurs étaient plutôt des femmes. Quand je rencontre des apiculteurs, ils sont généralement respectueux et assez intéressés par ce que j’ai à dire, parce que je suis une femme, et parce que je suis très enthousiaste quand je parle des abeilles.
Quand je rencontre d’autres femmes apicultrices, nous devenons généralement amies très vite, et partageons des tonnes d’informations et d’idées à propos de nos ruchers. J’ai l’impression que les femmes apicultrices sont extrêmement collaboratives, et partagent bien plus leur passion entre elles. J’ai beaucoup d’amies apicultrices d’un bout à l’autre du pays, et je n’hésite jamais à les contacter pour avoir leur avis d’experte.
Votre vision de l’apiculture a-t-elle changé depuis que vous êtes productrice de miel ?
Dans notre activité, la production de miel est secondaire par rapport à l’élevage de reines et la production d’essaims. Le prix de vente de notre miel est élevé, et n’avons aucun problème pour le vendre. La chose la plus importante qui a changé pour moi depuis que je produis du miel, c’est le respect pour la valeur de ce produit et tout le travail que sa production a nécessité pour les abeilles, comparé aux prix extrêmement bas de certains miels du commerce. Je dis à mes étudiants « les abeilles seraient furieuses si elles savaient combien les apiculteurs cassent les prix de leur miel ». J’ai appris à avoir beaucoup de respect pour les aliments produits de manière artisanale, de toutes les sortes, mais surtout pour le miel.
A votre avis, que réserve le futur aux apiculteurs américains, et à ceux du monde entier ?Qu’est-il nécessaire de mettre en place pour développer une industrie du miel durable ?
Je pense que les apiculteurs américains doivent réinventer la filière afin qu’ils puissent gagner leur vie sans avoir à faire de transhumance pour la pollinisation (c’est ce que j’enseigne : remplacer la transhumance par l’élevage de reines et d’essaims).
Les apiculteurs du monde devraient communiquer plus entre eux, et j’ai le sentiment qu’internet est d’une grande aide. J’ai justement reçu un e-mail hier d’un apiculteur de République Tchèque qui me posait des questions parce qu’il avait vu l’une de mes vidéos sur Youtube où j’installais des ruchettes. Ce moyen de communication est incroyable et ouvre de réelles opportunités pour les apiculteurs d’un bout à l’autre du globe.
Nous devrions mieux valoriser le miel pour qu’il permette aux apiculteurs de vivre à temps plein de leur activité.
Quel conseil souhaitez-vous faire passer aux nouveaux apiculteurs ?
Respectez vos abeilles, et travaillez avec leur instinct. Gardez un œil sur la météo, elle influe tellement sur les abeilles. Vous devez être en harmonie avec ce qui se produit à un instant T pour elles, en termes de nourriture et de temps de vol. Soyez ouvert et curieux envers vos abeilles, quand vous les « écoutez » elles vous disent beaucoup.
Merci à Erin pour son témoignage ! Nous vous invitons à témoigner également de votre passion.